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Commentary
Le Monde

La nécessité d’un chemin différent pour l’Afghanistan

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Le licenciement du Général Stanley Mc Chrystal par le Président Obama, après qu’on lui ait maladroitement conseillé d’ouvrir sa porte au magazine Rolling Stone, permettra peut-être de sauver la guerre en Afghanistan. Ses déclarations ont en effet eues des répercussions aux conséquences particulièrement néfastes.

Avant son départ, les derniers mois ont presque connu un record de pertes américaines et alliées, ainsi qu’une difficulté croissante à tenir Marja, la ville ciblée par les assauts des insurgés à la fin de l’hiver.

Indéniablement, des progrès ont néanmoins été réalisés depuis décembre dernier et l’annonce de Barack Obama de renforcer les troupes. On a notamment pu observer ces derniers mois des avancées significatives dans la coopération entre les services de renseignements américains et pakistanais, qui a permis la capture d’un nombre non négligeable de dirigeants d’Al-Qaida au Pakistan.

Ma collègue Ann Marlowe, qui s’est rendue six fois en Afghanistan avec les forces américaines, a analysé avec une grande finesse les défis auxquels nous faisons face dans ce pays. Ainsi, les décès causés par des IED ont augmenté de 94% cette année; la violence, l’instabilité et la corruption marquent le paysage afghan. La contre-insurrection, remarque-t-elle, fonctionne lorsqu’on amène les habitants à cesser de donner refuge aux insurgés: si le “surge” a été un succès en Irak, particulièrement parce que les Sunnites se lassèrent de la violence autour d’eux et décidèrent de se retourner contre Al-Qaida.

La situation s’avère très complexe en Afghanistan. Il n’y existe pas de culture politique de gouvernement central, fort et populaire à la fois. En effet, même les chefs de tribus ayant développé de bonnes relations avec les Etats-Unis et les forces de l’OTAN rechignent à s’aligner derrière le gouvernement corrompu et non démocratique du Président Hamid Karzai. Aussi, une étude récente menée dans les régions touchées par les insurrections - soit environ un tiers du territoire, a montré que seul un quart de la population y soutenait le gouvernement (cité par The Economist).

Mc Chrystal ne semblait pas avoir la moindre idée de ces réalités et il est alors possible de lui reprocher son orgueil. Car la corruption s’avère être le problème majeur.

Le Congrès souhaite ainsi inciter à l’effort en bloquant le financement destiné à l’Afghanistan: Nita Lowey, Présidente démocrate du sous-comité aux opérations étrangères de la chambre des représentants, déclarait hier: ”je n’ai pas l’intention d’accorder un centime de plus à l’aide pour l’Afghanistan, tant que je n’aurais pas la certitude que l’argent des contribuables américains n’est pas utilisée pour remplir les poches de fonctionnaires corrompus du gouvernement afghan, de seigneurs de la drogue, et de terroristes (…) Plus encore, le gouvernement afghan doit prouver que la corruption est la cible d’enquêtes et de poursuites”. Son sous-comité adoptera mercredi prochain le projet de loi fiscale pour 2011 portant attribution de financement aux opérations étrangères, sans les milliards de dollars réclamés par le Président pour diverses sortes de travaux non-militaires en Afghanistan.

Avant tout, comme l’envisage par ailleurs Ann Marlowe, une contre-insurrection ne peut s’avérer efficace que lorsque les leaders locaux ont la volonté de porter assistance au Gouvernement face aux insurgés. Se pose ainsi la question du départ du clan Karzaï. Le Général Petraeus, l’homme qui a dirigé le développement de la stratégie contre-insurrectionnelle ayant connu un grand succès en Irak, va de nouveau être mis à l’épreuve. Aura t-il la lucidité pour percevoir les changements drastiques - incluant les changements politiques - nécessaires afin de faire de la politique afghane un succès? Le temps le dira.